Elliott soupira de soulagement en distinguant la résonance des pas de Lucyll descendant l’escalier pour finalement disparaître. Le grenier se fit totalement silencieux. Son petit tour de passe passe avait finalement marché comme prévu.  

« Enfin ! J’ai vraiment cru que cette petite peste ne partirait jamais. »  

Le jeune homme patienta encore quelques instants avant de sortir de l’ombre du grenier, les doigts de sa main droite crispés sur une petite boite en bois vernie couleur ébène. Il observa un instant Amy du haut de la charpente qui s’était endormie, son visage légèrement crispé par une réelle douleur. Il soupira de nouveau, avant de descendre le plus silencieusement possible, le bruit de ses pas sur les planches grinçantes du grenier, était quasiment imperceptible. Il ne voulait surtout pas la réveiller.

Il ne lui fallut pas plus de trois enjambés pour prendre la direction de la porte, et de la fermer à double tour. Il partit ensuite dans la direction de sa camarade et s’accroupit ensuite à son chevet.  Il ouvrit avec délicatesse l’écrin.
L’intérieur en velours rouge bordé de cuire contenait deux rangées de petites fioles, chacune remplie d’un liquide rouge écarlate. Elliott se saisit de l’une d’entre elles avant de glisser sa main sur le côté de la boite. Sortant d’un petit tiroir dérobé, de fines aiguilles révélaient leurs inquiétants éclats.
Le jeune homme les assembla et se tourna vers Amy, qui dormait toujours. Il passa doucement ses doigts dans ses cheveux et vit réagir doucement à ce contact. Pivotant inconsciemment sa tête dans sa direction, Elliott pouvait même distinguer l’esquisse d’un sourire.
Il approcha sa main contenant la seringue, avant de transpercer Amy d’un léger coup sec, juste au niveau de sa jugulaire avant de faire pression sur le flacon. Celle-ci se vida en quelques secondes.

Amy, se releva, ouvrit grand les paupières, les yeux brûlants. Elle voulût hurler mais aucun son ne sortit de sa bouche, ses muscles se contractèrent violemment pendant un temps avant de finir par se détendre complètement. Sa tête retomba lourdement sur le lit de paille.

Le jeune homme s’empressa de ranger la fiole dans sa boite et de la mettre en lieu sûr. Il eut juste le temps de la dissimuler qu’un bâillement bruyant se fit entendre dans son dos.

_ Tu es enfin réveillé Amy ?

Il retourna vers sa camarade en souriant comme à son habitude. Celle-ci s’était redressée et se frottait nonchalamment les yeux.

_ Elliott, Peux m’expliquer pourquoi je suis dans ton lit ? Et puis j’ai mal partout…
_ Je t’ai retrouvé dehors dans la neige tout à l’heure, tu t’étais évanouie. Ce matin tu m’as annoncé que tu partais t’entrainer, tu as encore dû surestimer tes capacités…
_Comme si c’était mon genre. Pouffa-t-elle en souriant malicieusement. Amy essaya de sortir du lit mais cela s’annonçait particulièrement difficile.

_ Tu n’iras pas loin dans ces conditions. Tu devrais aller prendre un bain chaud, cela détendra des muscles.
_ Non d’abord la cuisine ! J’ai l’impression de n’avoir rien mangé depuis des jours !
_ Et tu comptes y aller en rampant peut-être ? Je vais aller à la cuisine après t’avoir conduit aux bains, je demanderai à la cuisinière de te préparer un copieux repas.
_ Tu me donnes des ordres maintenant ? Râla la tueuse. Tu as l’air préoccupé…ça ne va pas ?  
_ J’étais inquiet pour toi tu sais…
_ Ouai…désolée. Souffla Amy avant de lui adresser un grand sourire. On y va ? Plus vite j’aurais mangé et mieux je me porterai !
_ Toi et ton estomac…Soupira Elliott en la soutenant pour qu’elle se relève. Nous sommes partis.

Amy lâcha un bruyant soupir de soulagement en plongeant ses jambes nues dans les eaux chaudes du bain. Son corps était lourd et ses membres engourdis. Elle avait l’impression de bouger au ralentit alors qu’habituellement son agilité et sa vitesse étaient ses principaux atouts. Qu’avait-elle bien pu faire comme entrainement pour se retrouver dans cet état ?

La tueuse retient son souffle avant de plonger la tête la première dans l’eau et se laissa entraîner doucement vers le font du bassin, fermant les yeux, oubliant un instant ce qui l’entourait. Aucuns sons perçus, aucune personne pour venir lui parler, aucuns problèmes pour venir la troubler. C’était tellement agréable comme sensation.
Mais malgré tout, il lui manquait quelque chose pour se sentir vraiment bien et c’était à contre cœur qu’Amy remonta à la surface pour reprendre son souffle.

_ J’ai bien cru que j’allais devoir me mouiller pour t'aider à remonter prendre l'air. Ria Eliott accroupit au bord du bassin.

Amy grimaça et fit quelques brasses avant de rejoindre son camarade avec plus de facilité qu’elle ne l’aurait pensé.
_ Je vois que le bain te fait l’effet es conté, je suis rassuré.

La jeune femme saisit le rebord avant de s’y hisser, posant le pied à terre, elle demanda :

_ Qu’as-tu fait de ma dague ? Je ne l’avais pas en me réveillant.

Le concerné lui tendit une serviette, détournant légèrement le regard, gêné. La tueuse s’en empara et esquissa un sourire étonné devant l’attitude inhabituelle d’Elliott. Il n’était jamais mal à l’aise comme ça. Étant des coéquipiers depuis quelques années maintenant, la notion de pudeur n'était plus d'actualité.

Malgré tout, le jeune homme mit un temps avant de répondre, comme s’il cherchait ses mots avec soin.    

_ Je n’ai pas pensé à la récupérer, elle doit encore se cacher dans le jardin. Lança-t-il finalement. A l’endroit où je t’ai trouvé.  

_Pardon ? Lança Amy qui comprit sur le champ d’où venait la gêne. Tu veux dire que l’arme que je chéri plus que ma propre vie est perdu dans la nature et que n’importe quel abrutit qui passerai par-là peut très bien s’en emparer ?  

Le sourire d’Elliott s’effaça, il était habituer à supporter les emportements de sa camarade mais ce ton calme ne lui ressemblait pas du tout. Cela en était même presque terrifiant.

Amy prit la serviette qu’elle posa sur ses épaules avant de se diriger vers la sortie des bains. Cependant, arrivé au niveau de son camarade elle n’hésita pas un instant à le pousser violemment dans l’eau. Celui-ci lâcha un cri de surprise avant  plonger la tête la première dans l'eau chaude.

_ Espèce d’andouille !! Hurla la tueuse hors d’elle avant de prendre la porte, sans prendre le temps de remettre une tenue décente.  

Où est-elle ?? MAIS OU EST-ELLE ?!!

Amy n’avait même pas prit la peine de s’enrouler dans sa serviette de bain pour se couvrir. La neige et la faible température extérieur gelaient ses membres mais ce n’était pas sa principale priorité. Elle gratta la poudreuse avec frénésie, priant pour que sa dague soit encore là, quelque part entre deux monceaux d’eau glacée. Elle finirait par retrouver son arme un moment ou à un autre de toute manière, quitte à fouiller chaque parcelle de ce maudit jardin.

La tueuse lâcha plusieurs jurons avant de se rendre compte que ce qu’elle était en train de faire état totalement inutile et que la seule chose envisageable maintenant était d’attendre patiemment que la neige fonde.

_ Il faut qu’elle fonde...mais c’est bien sûr ! S’exclama-t-elle le sourire aux lèvres. Il me faut un magicien !

Amy jeta des regards autour d’elle et posa les yeux sur ce qu’elle cherchait : Ergaïl et Lucyll venaient de descendre les marches du perron, accompagné d’un autre individu et se dirigeaient on ne sait où.
Il fallait les rattraper et vite avant qu’ils ne filent !

Amy sourit et saisit la serviette sur ses épaules avant de l'enrouler autour de sa poitrine, de manière à dissimuler moult cicatrices -et une en particulier- qu'elle ne voulait pas montrer.
Et c'est ainsi, que la tueuse se lança rapidement à leur poursuite.  

Amy manqua de trébucher plusieurs fois dans la poudreuse avant d’arriver sur un sentier plus dégagé et ne s’étonna pas vraiment de ne plus sentir ses orteils. Retrouver son arme comptait beaucoup plus à ses yeux mais il fallait tout e même qu’elle s’arrête pour reprendre son souffle, qui commençait à manquer.
Elle s’arrêta, posa ses deux mains sur ses genoux pour se soutenir avant de respirer un grand coup. Sa respiration était saccadée, elle avait du mal à respirer, ce qui ne lui était pas arrivé depuis des lustres, elle qui avait pourtant une excellente endurance.
La tueuse perçut en travers de deux inspirations, les hennissements de chevaux et accompagnés d’un léger brouhaha. Elle se redressa, portant son regard vers l’origine du bruit.

« …Des carrioles d’itinérants ? » S’étonna-t-elle en essuyant son front couvert de sueur d’un revers de la main.

Amy fit quelques pas dans la direction des convois qui avaient pris position dans la cour du manoir. Les gens allaient et venaient dans toutes les directions mais une voix forte et enthousiaste se fit entendre à travers le bourdonnement des marchands.

_ Le fin du fin ! Vous ne trouverez pas plus beaux !

Amy contourna un carriole en bois, certainement réservé au logement de ses présumés escrocs, et aperçût Ergaïl et Lucyll qui ne l’avait pas remarqué.

Soulager de ne pas les avoir perdu de vue, Amy se accourra dans leur direction le sourire aux lèvres…qu’elle perdit aussi rapidement qu’il était apparût.

Là, sur l’estrade, un homme se donnait en spectacle avec à ses côtés des…des…

Amy sentit la rage la gagner, jamais elle n’aurait cru voir cet odieux spectacle à Orzaal, mais elle était certaine que le Duc allait virer ces personnages hors de ces terres sur le champ, s’il ne les massacrait pas avant.

_ J'aimerais aussi voir vos autres pièces, comme vous l'avez vu nous n'avons aucun serviteur au Manoir et nous manquons crucialement d'esclave, ces trois-là ne me suffiront pas.

Ces mots venant de la bouche d’une personne qu’elle estimait….ces paroles qui lui fit l’effet d’un coup de poignard. Amy n’avait pas son arme avec elle et le maudissait. Elle était désarmée, sans défense et cette idée lui donnait des frissons.
Amy se revoyait à travers cette « marchandise » comme on les appelait. De vulgaires numéros gravés qu’on ne peut enlever…des morceaux de viande que l’on vendait sans vergogne à des lions affamés de pouvoir, enchaînes à un destin voué à la servitude et à l’humiliation.

Esclave était un sort pire que le trépas.

Amy s’approcha, fit quelques pas hésitants, crispant ses doigts sur sa serviette trempée pour ne pas hurler de colère.
Elle réussit à articuler tout de même quelques mots audibles, se voulant neutre mais trahis sans doute par son visage à l'expression inqualifiable :

_ Ergaïl....qu’est-ce que ça veut dire ?