Je m’approchai timidement du bureau où Lucyll écrivait, concentrée sur ses parchemins. J’avançais à pas de loup, je n’osais pas me faire remarquer. Lorsqu’elle releva la tête, j’étais encore à quelques mètres de la table. Il faudra que je revoie mon approche furtive… Bon maintenant que je suis là il faut que je me lance

« Hum… Il parait qu’on prépare un voyage et euh… j’ai entendu dire qu’il faudrait du monde pour participer à l’expédition. Ergaïl m’a dit qu’il y avait besoin de quelqu’un qui s'y connaît en plantes médicinales… hum je… je peux venir ? »

Tout en bégayant, je dansais d’un pied sur l’autre mal à l’aise, en me tortillant les mains dans tous les sens. Je sentais le rouge me monter aux oreilles. Il va falloir que je soigne cette timidité maladive !
Ayant obtenu une réponse positive de la part de mon interlocutrice, je fis un petit bond de joie et me mis à parler à toute vitesse :

« Alors voilà, pour le voyage j’ai prévu d’emmener ma lyre comme d’habitude et… et un sac en cuir avec mes plantes habituelles… Je ferais bien attention de pas les mélanger avec les autres hein ? (petit rire nerveux) …et puis mon mortier et mon pilon… Enfin tout un nécessaire quoi, une trousse médicinale si tu préfères avec de quoi soigner tout le monde. Côté fringues, je prévois des robes plus ou moins chaudes, plus ou moins longues… On va où déjà ? Enfin peu importe, j’emmène de quoi m’habiller pour toutes les circonstances… ah et quelques tuniques et pantalons en lin c’est plus pratique pour voyager avec ma monture. D’ailleurs il faut que je prévoie de quoi m’attacher les cheveux sinon le voyage risque de ne pas être très agréable. Pour compléter j’emmène un plaid cousu main et une grande cape, mon sifflet pour les oiseaux et euh, un peu de viande séchée pour les rapaces c’est possible ?… (sourire niais) J’aimerais partir avec Sweetie, ma chouette. Je dois aller préparer Griffyth ! On part quand déjà ? J’ai beaucoup de place dans mes sacoches de selle si besoin. A plus tard »

Sur ce je tournai les talons et m’enfuyais de la pièce, laissant Lucyll sans voix. Rendue dans le couloir, je m’adossai au mur et poussai un long soupir de soulagement. Une bonne chose de faite. Je me dirigeai alors vers les écuries pour aller chouchouter ma monture avant le départ.

Ce défilé m'avait bien amusée mais cette journée de paperasse avait quelque chose de statique et de barbant. La veille d'un départ, rester clouée à une table avait de quoi intensifier l'impatience. J'avais néanmoins été satisfaite de voir que de nouvelles personnes s'investissaient dans la vie d'Orzaal. Il serait bon de voyager avec eux et de les découvrir.

Je roule mon parchemin, le referme d'un seau de cire, le fourre dans le coffre administratif avec les autres, referme ce dernier, le charge sur mon épaule et descends au village pour ajouter cette ultime pièce au chargement. L'annonce est donnée : demain, nous partirons quand le soleil aura confortablement pris sa place dans le ciel matinal.